Qu'est-ce que "notre" système salarial ?
Le système salarial, jusque dans les années 1970, mêlait embauche à salaire
croissant et évolution du salaire sur toute la carrière. Or ce système
explose précisément à l'époque où le "jeune" argument politique est créé
! On passe alors à un système salarial doublement désintégrateur (les
vieux trop chers doivent virer (non reconnaissance de leur expérience)
et les jeunes (bien que leur niveau soit de plus en plus important peuvent
être embauché pour des salaires proches des minima.
Il faut donc d'abord contrer l'argument des politiques qui consiste à
dire que "c'est plus les 30 glorieuses, on est dans la crise, c'est
la merde, serrons nous la ceinture, il faut que tout le monde se retrousse
les manches, aille hi aille ho, au boulot, et hop !". Affirmer cela
c'est réduire l'espace des possibles, c'est dire qu'il n'y pas de choix
: qu'il n'y pas de démocratie (1) .
La "lutte contre" le chômage du gouvernement
On peut préciser cette idée en se posant des questions sur la manière
dont le gouvernement mène sa "lutte" contre le chômage et en se demandant
si cette politique ne serait pas plutôt une entreprise de réduction de
l'espace des possibles : une politique de mise au travail quel qu'il soit
(2). Plusieurs lois, projets de lois, décrets et ordonnances vont dans
ce sens. On pourrait appeler ça une "mise au travail forcée".
Le gouvernement Villepin se vante de faire baisser le chômage et les médias
présentent comme un fait la baisse du nombre de chômeurs. Encore faut-il
rappeler ce que représentent les radiations des listes du chômage et la
pression exercée sur les chômeurs.
Pressions et radiations
Les radiations - Il y a eu 188 709 radiations (151 537 pour absence
au contrôle, 37 552 pour fin de droits) des listes d'indemnisation en
octobre 2005 et 201 065 en novembre. Or en octobre on comptait 21 700
chômeurs de moins qu'en septembre. En faisant donc la différence entre
les radiations et les reprises d'emploi… on arrive à 167 009 chômeurs
de plus !
La pression sur les chômeurs - Comme dit plus haut, on peut être
radié des listes pour une simple abscence. Ceci n'est qu'une forme des
pressions que subissent les chômeurs. D'une part les chômeurs sont mis
sous pression par les médias et les politiques qui les présentent comme
des fraudeurs et des "inactifs"… Ils et elles sont aussi est surtout mis
sous pression par les modalités de contrôle de leur indemnisation. Nous
avons tous des amis qui ont des anecdotes sordides à nous raconter à ce
sujet (3).
La "mise au travail forcée"
CPE - Le Contrat Première Embauche facilite l'embauche et la débauche
de la jeunesse, c'est-à-dire sa mise en précarité et l'impossibilité de
défendre ses droits sur son lieu de travail (puisque soumis à une menace
de licenciement injustifiée permanente pendant 2 ans… comment alors être
enceinte, monter une section syndicale, tomber malade, réclamer des protections
?). Si il est probable que le CPE permette un certain nombre de création
d'emplois, on peut légitimement se demander si l'objectif à atteindre
est le travail des jeunes à tout prix (précarité généralisée) ou la construction
d'un marché du travail qui offre à tous et toutes, jeunes et moins jeunes,
des protections efficaces (protection sociale).
CNE - Le CPE est clairement une généralisation du CNE, imposée
cet été par ordonnance (4). Le Contrat Nouvel Embauche permet à une entreprise
de moins de 20 salariés d'embaucher en CNE, c'est-à-dire de pouvoir licencier
"un CNE" sans motif pendant 2 ans. Le reste des "ordonnances Villepin"
allait aussi dans ce sens : Chèque Emploi Entreprise, exonérations de
cotisations patronales, Chèque Emploi Entreprise, Contrat Insertion Défense…
Cela signifie la destruction des protections du salarié-e qui existaient,
et répond aux ambition du MEDEF en matière de "refondation" du code du
travail (5). Le CPE est donc bien dans la continuité du CNE…
L'apprentissage à 14 ans - A la suite des révoltes sociales de
novembre 2005, le gouvernement a mis sur le tapis l'apprentissage à 14
ans : c'est-à-dire en un sens, l'abrogation de la loi sur le travail des
enfants. L'idée est bien de mettre au pas "les inadaptés" qui brûlent
des voitures en leur imposant la violence du marché du travail. L'Etat
a donc dans une main la répression (800 personnes sont parties en prison)
et dans l'autre le travail… Il n'est donc pas manchot : il a deux mains
droites.
RMA - Le RMA est un contrat qui permet aux Régions d'imposer le
travail à des allocataires du RMI. Pour le même montant, l'allocataire
doit travailler 18h par semaine, son RMI est versé à son employeur qui
lui re-donnera. Le RMAste n'a bien sûr pas les protections classiques
liées au contrat de travail…
CPE, salariat et démocratie…
Il est important de savoir précisément ce qu'est le CPE. Il est facile
de trouver des réponses et des informations auprès des syndicats. Mais
insistons ici sur ce statut de "sous-salarié-e" sous tutelle qui
annonce le remplacement du statut de salarié-e tout court.
En ce qui concerne les jeunes scolarisé-e-s, cette mesure leur
permettra simplement de travailler avec un minimum de droits sans rien
changer aux statistiques du chômage et au chômage des jeunes, puisque
les "scolarisé-e-s" n'y sont pas dénombré-e-s.
Il paraît important d'insister sur le fait que : c'est bien sur la base
d'un statut solide, et non dévalorisé, qu'on se donne les moyens de construire
un projet de vie. Pour éviter le débat parlementaire le premier ministre
a utilisé le fameux "49-3", et, pour éviter de goûter à la colère de la
jeunesse il a reporté le vote de sa loi sur le téléchargement par Peers-to-Peers…
Enfin, précisons pour terminer que ce gouvernement montre clairement qu'il
entend diriger par la force alors qu'il se revendique "démocratique".
Le "débat" de fond est inexistant. Il faudrait donc bien commencer par
lui opposer des mobilisations importantes qui s'appuient sur une légitimité
démocratique
Notes:
(1)
On peut se reporter à : RANCIERE, Jacques, 2005, La haine de la démocratie.
La fabrique, 106 p.
(2) Pour trouver une critique du salariat en système capitaliste on peut
se reporter à : Groupe Krisis, 2004, Manifeste contre le travail. 10/18
Poche, 110 p.
(3) On peut lire par exemple un récit très évocateur à l'adresse : http://www.dibim.net/forum/viewtopic.php?t=306
- Voir aussi le site du journal CQFD : www.cequilfautdetruire.org
(4) Il faisait parti de ce qu'on appelle les " Ordonnances Villepin ".
Gouverner pas ordonnance permet de faire adopter une loi sans la soumettre
au vote de l'Assemblée Nationale.
(5) Voir : www.medef.com et
y chercher le programme de la "refondation sociale".
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